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2.15.2007

Marion Cotillard : Piaf réincarnée

BRIGITTE BAUDIN.
Publié le 14 février 2007


César du meilleur second rôle en 2004 pour "Un long dimanche de fiançailles" de Jean-Pierre Jeunet, son talent d'actrice de composition éclate aujourd'hui dans une extraordinaire interprétation d'Édith Piaf.

César du meilleur second rôle en 2004 pour « Un long dimanche de fiançailles» de Jean-Pierre Jeunet, son talent d'actrice de composition éclate aujourd'hui dans une extraordinaire interprétation d'Édith Piaf.
« PIAF est une étoile qui se dévore dans la solitude du ciel. » C'est ainsi que Jean Cocteau, en poète, définissait son amie Édith Piaf, cette chanteuse populaire de légende qui galvanisait la foule de sa voix sensuelle, profonde, déchirante comme un cri, comme une plainte intérieure. Rien donc de plus difficile que d'interpréter celle qui a chanté l'amour avec des sanglots et la passion du désespoir tout en brûlant la vie par les deux bouts.
Dans La Môme d'Olivier Dahan, le récit mélodramatique des épisodes les plus marquants de l'existence de Piaf, un véritable roman populiste à la Hector Malot, Marion Cotillard joue le rôle-titre. A priori, l'actrice ne ressemble pas physiquement au personnage, ce petit bout de femme d'un mètre quarante-sept à l'apparence chétive, disparue prématurément à 47 ans, usée par l'alcool, la drogue et les amours intenses à répétition. Elle est grande, longiligne, le visage lisse, le regard clair, l'air sain et bien dans sa peau. Mais, à force de travail et après quatre heures trente de maquillage, l'illusion est parfaite. Marion Cotillard, c'est Édith Piaf réincarnée.
Tout commence donc à Belleville. C'est là que naît, le 18 décembre 1915, à 5 heures du matin, sur un trottoir, en pleine rue, la petite Édith Giovanna Gassion. Son père, Louis Alphonse Gassion (Jean-Paul Rouve), est contorsionniste-antipodiste. Sa mère, Anetta Maillard (Clotilde Courau), une ancienne vendeuse de nougat, chante dans les caf'conc' pour améliorer l'ordinaire. Louis Alphonse Gassion reparti pour le front, Anita, qui n'a pas la fibre maternelle, confie son bébé à sa mère d'origine kabyle, ancienne artiste de cirque en Algérie avec un numéro de puces savantes. Couverte de croûtes et d'eczéma, Édith, squelettique, vit deux ans dans ce taudis au milieu des excréments, dans un manque total d'hygiène. Son père la conduit alors chez sa mère (Catherine Allégret), qui tient une maison de tolérance à Bernay, en Normandie. Choyée par les prostituées - par Titine (Emmanuelle Seigner) tout particulièrement - qui l'entourent d'affection, Édith s'épanouit.
Un état de fragilité
Mais, le malheur continue à la poursuivre. À 6 ans, une double kératite est en train de la rendre aveugle. Titine l'emmène à Lisieux en pèlerinage, à la basilique Sainte-Thérèse. Le miracle opère. Édith recouvre la vue. Elle gardera jusqu'à sa mort une dévotion à sainte Thérèse. Quelque temps après, son père la ramène à Paris. Elle fait la manche dans les rues où son père se produit. Elle chante aussi La Marseillaise et L'Internationale pour récolter davantage d'argent. Elle découvre alors l'impact de sa voix sur les passants qui s'arrêtent pour l'écouter. À 15 ans, avec Momone (Sylvie Testud), sa compagne de misère, elle arpente les rues de la capitale pour pousser la chansonnette. C'est ainsi qu'au coin de la rue Troyon, Louis Leplée (Gérard Depardieu), le patron d'un cabaret chic (il sera assassiné le 6 avril 1936), la remarque, l'engage et lui trouve son nom de scène : la môme Piaf. Sa carrière commence, jalonnée de rencontres - la compositrice Marguerite Monnot, Raymond Asso, son mentor (Marc Barbé), Louis Barrier (Pascal Greggory) - de succès en France et outre-Atlantique, et d'histoires d'amour passionnées, comme avec Marcel Cerdan (Jean-Pierre Martins) et Théo Sarapo, son dernier mari, qui l'aimera jusqu'à sa mort, le 10 octobre 1963.
« J'ai découvert la chanson réaliste lorsque j'avais 18-20 ans, explique Marion Cotillard. J'écoutais Fréhel, Yvette Guilbert, Aristide Bruant. Et bien sûr Édith Piaf. Je connaissais par coeur L'Hymne à l'amour, La Foule et Les Amants d'un jour. On y parlait sentiments purs, radicaux, absolus. Cela me bouleversait, me donnait la chair de poule. Cela m'aidait aussi beaucoup dans mon travail de comédienne en me mettant dans un état de fragilité émotionnelle, d'écoute pour approcher un personnage. Je n'imaginais alors pas qu'un jour, j'aurais le privilège d'incarner cette artiste et cette femme si forte et vulnérable, découvreuse de talents, et une amoureuse au destin tragique fait de drames et de grands bonheurs. »
Afin de coller parfaitement à son personnage, Marion Cotillard s'est beaucoup documentée. Elle a lu de nombreuses biographies consacrées à Édith Piaf. Elle a visionné ses spectacles pour enregistrer ses gestes, sa démarche, sa manière de se tenir en scène. Elle a analysé de nombreuses interviews pour tenter de percer le mystère, de mieux percevoir le tempérament de Piaf. Elle a rencontré Georges Moustaki et Ginou Richer, des amis intimes d'Édith Piaf, qui lui ont révélé les aspects cachés de sa personnalité.
« À la lecture du scénario, je ne comprenais pas le côté tyrannique de Piaf, avoue Marion Cotillard. C'est en regardant un de ses reportages que la lumière s'est faite. Elle disait qu'elle n'avait pas peur de la mort, mais que la solitude l'effrayait. Cela expliquait donc ce besoin constant d'être entourée et de régenter ainsi son petit monde. »
La difficulté majeure rencontrée par Marion Cotillard, la trentaine radieuse, fut de camper Piaf de son adolescence à sa déchéance et de passer de la gamine de 14 ans qui brûlait d'un feu intérieur quand elle chantait dans les rues ou sur scène à la pauvre silhouette fantomatique décharnée par la maladie, au seuil de la mort, à 47 ans.
« J'arrivais à 5 heures du matin sur le tournage car il fallait parfois cinq heures de maquillage, précise-t-elle. Je me transformais sous les doigts du maquilleur Didier Lavergne. Il devait reconstituer la texture de la peau, des veines, des rides. Un travail d'artiste ! Je portais aussi une prothèse dentaire pour avoir des dents plus en avant et le phrasé particulier d'Édith Piaf. C'était épuisant. Mais, l'aventure en valait bien la peine ! »

La Môme Mélodrame d'Olivier Dahan. Avec Marion Cotillard, Sylvie Testud, Pascal Greggory, Emmanuelle Seigner, Jean-Paul Rouve, Gérard Depardieu, Jean-Pierre Martins, Catherine Allégret, Marc Barbe. Durée : 2 h 20.

Soderbergh : "Mes maîtres, mes modèles"

Propos recueillis par EMMANUELLE FROIS.

Publié le 14 février 2007

Le réalisateur rend hommage aux films noirs des années 1940.

DANS The Good German, Steven Soderbergh brosse le portrait d'un correspondant de guerre américain (George Clooney) venu, dans un Berlin en ruine, couvrir la Conférence de Postdam, mais qui veut surtout retrouver son ancienne maîtresse allemande (Cate Blanchett) détentrice de bien des secrets. Atmosphère, atmosphère. Et entretien avec un cinéaste cinéphile qui s'est glissé dans les pas de son aîné, Michael Curtiz.

LE FIGARO. - Pourquoi teniez-vous à rendre hommage aux films noirs des années 1940 ?
Steven SODERBERGH. - Ce n'était pas l'idée initiale. Lorsque nous travaillions sur le scénario, j'ai visionné les archives tournées par les troupes américaines et russes, à Berlin en 1945. À l'origine, elles devaient servir de référence pour restituer l'atmosphère du Berlin de l'après-guerre. Mais elles m'ont tellement frappé que je me suis demandé de quelle façon je pourrais les intégrer. De là s'est imposé le noir et blanc, le style visuel et le jeu des acteurs des films noirs et enfin le tournage « à la manière de », en studio, à Hollywood. Cela s'est révélé deux fois moins cher que d'aller filmer sur place. Nous avons par exemple, pour les scènes de voitures où l'on voit la ville défiler à travers les vitres, utilisé des chutes des scènes tournées par Billy Wilder en 1948 pour La Scandaleuse de Berlin.
Vous avez tourné dans les conditions techniques de l'époque. Mais comment avez-vous retrouvé le vocabulaire cinématographique des années 1940 ?
En regardant des centaines de films. Et puis, par chance, Warner détenait le découpage des scénarios des trois films de Michael Curtiz : Le Roman de Mildred Pierce, Casablanca et Yankee Doodle Dandy. J'ai analysé ses mouvements de caméras, ses cadrages, les objectifs et les lentilles dont il se servait. J'ai suivi les règles de ce maître de la mise au point très serrée. Et étrangement cette démarche a été libératrice car, sur le plateau, il n'y avait pas des milliers de possibilités. Les plans, les angles s'imposaient.
À quand remonte votre amour pour les films noirs ?
J'avais 9 ou 10 ans. Mon père m'emmenait voir ces films-là. Le premier, je pense que c'était Le Troisième Homme de Carol Reed. C'était l'oeuvre préférée de mon père.
On sent qu'elle vous a aussi énormément marqué. The Good German en porte la forte influence.
Elle a été une source d'inspiration plus pour le fond que pour la forme, car le côté systématique « caméra penchée », utilisé par Reed, ne correspondait pas du tout au style de The Good German.


Vous avez tourné dans la foulée Ocean's Thirteen (sortie en juin), nouvelles aventures du craquant braqueur George Clooney et de sa bande. Quoi de neuf ?
Al Pacino dans le rôle du méchant qui trahit un des onze voleurs et les dix autres qui décident de le coincer. Pacino est absolument fantastique ! Nous avons organisé une projection-test et les spectateurs ont trouvé que c'était l'épisode le plus hilarant des trois.
Obligatoire le screen-test ?
Quand il s'agit d'une comédie, c'est capital. Parfois, la blague que vous pensiez être la meilleure du monde tombe à plat. J'ai ainsi éliminé deux répliques que personne ne trouvait drôle.
L'année dernière avec Bubble vous innoviez en sortant le film simultanément en salles, sur le câble et en DVD. Une stratégie de distribution inédite et controversée. Vous persistez ?
Oui, j'ai cinq autres films du même genre sur le feu. D'ici cinq à dix ans, tous les films seront distribués de cette manière, seule façon de lutter contre le piratage qui, à l'échelle de l'industrie du cinéma, représente 5 M$ de revenus. Je me rappelle que le jour même de la sortie en salles du Seigneur des anneaux on trouvait le DVD pirate sur Canal Street à New York. Il existe donc déjà une sortie simultanée ! Il est donc nécessaire de s'adapter. Mais je reste persuadé que les gens continueront à aller au cinéma.
Quand débutez-vous le tournage de votre diptyque sur Che Guevara avec Benicio del Toro dans le rôle-titre ?
Dès la mi-mai. Je tourne en espagnol et simultanément les deux films qui se déroulent sur deux périodes : entre 1956 et 1958 et de 1964 jusqu'à la mort du Che.
Quels sont les projets de votre maison de production Section Eight créée avec George Clooney ?
Nous fermons le mois prochain. Trop de travail. Et je n'ai pas l'étoffe d'un producteur !

The Good German Drame de Steven Soderbergh. Avec George Clooney, Cate Blanchett, Tobey Maguire. Durée : 1 h 46.

Alain Resnais et le mystère des coeurs

Propos recueillis par Marie-Noëlle Tranchant.
Publié le 22 novembre 2006


Des peurs, des rires, des émotions avec «Coeurs», le nouveau film du cinéaste, qui oscille entre gravité et burlesque

Dans Coeurs, Alain Resnais emmène sa troupe (Sabine Azéma, Laura Morante, Isabelle Carré, André Dussollier, Pierre Arditi, Lambert Wilson, Claude Rich) dans les dédales de la solitude. Une comédie grave d'après une pièce du dramaturge anglais Alan Ayckbourn, qui lui a valu le lion d'argent à Venise, quarante-cinq ans après le lion d'or de L'Année dernière à Marienbad.

LE FIGARO. – Vous retrouvez Alan Ayckbourn que vous aviez déjà adapté avec Smoking et No smoking. Quelles affinités avez-vous avec lui ?
Alain RESNAIS. – J'ai avec lui des affinités de spectateur, depuis que j'ai découvert sa première pièce. J'ai beaucoup ri. C'était une tragédie, mais on se tordait de rire. Mais j'étais aussi très intéressé par la construction. Pour moi qui suis un formaliste effréné, j'aime qu'en plus de l'intrigue il y ait une construction dramatique extraordinaire. Et toutes les pièces d'Ayckbourn offrent une surprise. Il fait une grande part à l'imagination des spectateurs. Il aime le théâtre en rond (l'anglais dit «en carré», ce qui est plus juste), qui permet de jouer avec le public, comme il aime le voyage dans le temps (on sait ce qui se passe un an avant ou un an après l'événement relaté). Il peut vous balader d'un théâtre à l'autre, en deux soirées : la première partie de l'action se passe dans le jardin, la deuxième dans la maison. Il a un sens du burlesque prononcé, qui n'empêche pas la mélancolie. Ses personnages me touchent parce qu'ils sont fragiles, vulnérables. Mais là, on entre dans le mystère du spectateur : pourquoi au bout de dix minutes est-on accroché ou ennuyé ?

Cette fois-ci, vous prenez davantage de liberté avec la pièce originale en la transposant en France. Pourquoi ce choix ?

J'ai demandé à Ayckbourn s'il accepterait qu'on fasse le contraire de Smoking et No smoking, où je m'étais amusé à tout laisser authentiquement anglais. Il y a une particularité, dans cette pièce-ci, c'est que l'auteur ne nous donne aucun détail sur les personnages. Seulement sept prénoms. Ce qui facilitait la transposition à Paris. J'ai vu l'histoire se passer en quatre jours d'hiver dans le quartier de Bercy. Je me promène souvent dans le XIIIe arrondissement, son côté à moitié ancien et à moitié pas encore habité me plaît. Il a quelque chose d'un peu fantomatique.

Avez-vous cherché une tonalité différente ?

J'ai cherché à être fidèle à Ayckbourn et j'ai fait appel à Jean-Michel Ribes pour qu'il soit fidèle à lui-même. Je voulais garder ce climat qui tient à moitié du drame pirandellien et à moitié du burlesque de Charlie Chase. Le goût du «slapstick» (tarte à la crème) est incontestablement un point de contact entre Ayckbourn et moi. Mais s'il ne néglige pas les effets tarte à la crème ou piscine (dans laquelle on va forcément tomber), il a l'art de les amener. On prévoit ce qui va arriver, mais on ne sait jamais comment cela va arriver. Et puis, dans cette pièce en 54 tableaux, quelque chose me paraissait vraiment inhabituel dans le jeu d'influences des personnages les uns sur les autres, alors même que certains ne se rencontrent pas. J'ai comparé cela à une toile d'araignée où sont pris des insectes isolés, qui bougent ensemble au moindre mouvement de la toile.

Et ces flocons de neige qui reviennent comme un leitmotiv visuel ?

La neige est une matière qu'on croit pouvoir attraper, mais non, c'est impossible. Comme le mercure qui me fascinait, dans la pharmacie de mon père. Quelque chose d'impalpable, d'insaisissable. J'ai vu cette neige, et dès que je vois une image, je la mets dans le film, sans souci d'explication rationnelle. L'imaginaire me paraît faire tellement partie de la vie. C'est peut-être un reste d'influence d'André Breton. Quand je suis tombé sur les écrits surréalistes, adolescent, ça a été pour moi comme une bouffée d'oxygène dans un monde très terre à terre. Je ne suis pas un surréaliste de stricte obédience, mais je suis attentif aux images ou aux phrases qui s'imposent. Et si cela se présente comme une scène qu'on peut tourner, on la tourne. Il n'y a pas d'autre raison. C'est vrai aussi pour les acteurs.

Comment cela ?

J'aime attraper les surprises qu'apporte leur jeu. Les acteurs sont des somnambules qu'il ne faut surtout pas réveiller. C'est pourquoi je ne pratique pas la direction d'acteurs. Mon seul critère avec eux est : je vous crois, ou je ne vous crois pas. Quand j'entends Claude Rich, j'entends une douleur vraie, et pourtant on est dans le burlesque.

Est-ce le sens du titre, Coeurs ? Entendre ces battements secrets sous l'épaisseur des jours ?

Mais le coeur, c'est la tête aussi. Dans l'embryon, tout est mélangé, les intestins et le cerveau... Cela se sépare après coup. J'ai raconté au Festival de Venise que nous avions une réserve de cent quarante titres français pour remplacer Private Fears in Public Places, le titre original d'Ayckbourn. Un moment, nous nous sommes arrêtés à la proposition de Jean-Michel Ribes, Petites peurs partagées, que j'aime bien, mais il me semblait qu'il y avait un jugement dans l'adjectif «petites», et je ne voulais pas de jugement. Il y a de la peur, de la solitude, de l'angoisse, dans ces histoires, mais c'est comique, aussi. À chacun de savoir ce qu'il pense, car le film n'essaie pas d'influencer le spectateur.

Coeurs d'Alain Resnais, avec Pierre Arditi, Sabine Azéma, André Dussollier, Lambert Wilson, Laura Morante, Isabelle Carré. Durée : 2 h 05.

12.01.2006

La faute et la grâce

La faute et la grâce
Par Françoise MAUPIN (mercredi 22 novembre 2006) le Figaro

Anne-Marie, une jeune bourgeoise, rentre au couvent des dominicaines de Béthanie dont la vocation est d’accueillir et de soutenir des femmes qui ont été incarcérées. Lors d’une visite en prison, Anne-Marie s’attache à Thérèse, une dure de dure qu’elle se met en tête de sauver. Tout juste libérée, Thérèse tue son amant, responsable de son incarcération, et se réfugie au couvent sans rien dire de son forfait. Là, elle manipule Anne-Marie qui se fait exclure et en meurt de chagrin. Thérèse comprend alors la sincérité d’Anne-Marie et se convertit au moment où la police vient la chercher.

CRITIQUE. Rentrant de captivité en Allemagne, Robert Bresson signe son premier long-métrage, Les Anges du péché, en 1943. Avec une histoire de grâce et de rédemption inconcevable de nos jours. Comme tous les cinéastes de son époque, il a fait appel à des acteurs de théâtre, dont Renée Faure, grande star du Français, et Sylvie. Un texte très écrit signé Giraudoux et une photo très travaillée. Déjà, la magie Bresson est là. Loin de toute mièvrerie, il raconte ce drame avec rigueur et sobrieté et suggère plus qu’il ne montre. Un film qui annonce un grand metteur en scène.

« Les Anges du péché » Réalisateur Robert Bresson (1943) Avec Renée Faure, Sylvie, Jany Holt Scénario Jean Giraudoux Durée 1 h 30

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Coeurs:Solitudes croisées

Solitudes croisées
Par MARIE-NOËLLE TRANCHANT (mercredi 22 novembre 2006)

Il neige sur le XIIIe arrondissement de Paris. Thierry (André Dussollier), agent immobilier, fait visiter un appartement à Nicole (Laura Morante). Pendant ce temps, au bar d’un grand hôtel hyper contemporain, le fiancé de Nicole, Dan (Lambert Wilson), ancien militaire au chômage, se noie dans les whiskies imperturbablement servis par Lionel (Pierre Arditi). De retour à son bureau, Thierry retrouve son assistante, Charlotte (Sabine Azéma), qui lui offre des vidéos pieuses. Sa journée terminée, Charlotte s’occupe de personnes âgées : c’est ainsi qu’elle entre en contact avec Lionel, qui doit faire garder son vieux père irascible et égrillard (Claude Rich). Thierry, lui, va retrouver sa soeur Gaëlle (Isabelle Carré), qui cherche l’homme de sa vie et croit l’avoir trouvé quand elle rencontre Dan.

INTERVIEW D'ISABELLE CARRÉ

« Pas une minute à perdre ! »

Du haut de ses 35 ans, elle aligne une filmographie impressionnante : quarante films et dramatiques TV, vingt pièces, deux molières, un césar, des nominations à foison. Et maintenant, une belle consécration avec ce joli rôle dans Coeurs, le nouveau film d’Alain Resnais, tandis que le soir, elle joue Blanc, mis en scène par Zabou Breitman.

Vos réactions quand vous avez su que Resnais voulait vous rencontrer ?

C’était totalement inattendu et il m’a proposé le rôle tout de suite. Il avait vu Entre ses mains d’Anne Fontaine et souhaité que j’interprète Gaelle qui cherche le grand amour via Internet.

Travailler avec Resnais, c’est aussi rentrer dans une famille...

J’y ai été très bien accueillie. Et il y a un luxe : le temps. C’est la première fois que, pour un film, j’ai pu répéter trois semaines, deux mois avant le tournage.

Que préférez-vous jouer, les tragédiennes ou les femmes drôles ?

J’aime tous les rôles. Avant tout, je crois qu’un bon rôle, c’est une bonne histoire, une belle écriture. Pirandello dit qu’on n’est pas un, mais mille personnages. J’ai beaucoup aimé jouer dans le film de Christian Vincent, Quatre étoiles. J’y étais très active, très sexy. Avec Holy Lola de Bertrand Tavernier, sur l’adoption des enfants au Cambodge, je n’ai pas la sensation d’avoir tourné un film, mais partagé une belle expérience humaine.

Quel rôle aimeriez-vous jouer que vous n’ayez pas encore fait ?

Michel Spinoza vient de me le donner avec Anna M. J’y incarne une psychotique, érotomane, persuadée d’être aimée d’un médecin. L’atterrissage sera terrible. Dans ce film, je suis brune, avec un teint limite blafard, parfois belle, parfois l’air vraiment malade.

Comment conciliez-vous toutes ces activités, outre vos engagements humanitaires ?

Attendez ! J’ai l’air d’être réservée, timide, mais je déborde d’énergie. J’adore la danse africaine. Je fais un spectacle actuellement, certains dimanches et lundis, avec des textes, de la musique. Je n’ai pas une minute à perdre ! Propos recueillis par Françoise Maupin

CRITIQUE. Sept histoires de solitude qui s’entrecroisent et interfèrent les unes sur les autres. Un manège de personnages pris dans la banalité des jours, à laquelle chacun apporte son pittoresque intime, sa bizarrerie secrète. Alain Resnais les fait évoluer ensemble avec une précision d’horloger, superposant au mécanisme répétitif des activités quotidiennes les trajets aléatoires qui vont entraîner Charlotte chez Lionel ou Gaëlle vers Dan. C’est une suite imprévue de coq-à-l’âne humains, et les acteurs, tous éblouissants, irisent tour à tour les multiples facettes de cette comédie inquiète, drôle, cruelle, fantasque, touchante.

« Coeurs » Réalisateur Alain Resnais Scénario Alain Resnais, Jean-Michel Ribes Avec Sabine Azéma, Laura Morante, Isabelle Carré, André Dussollier, Pierre Arditi, Claude Rich. Durée 2 h 05 mn

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Julie Depardieu

DOMINIQUE BORDE. Publié le 29 novembre 2006 Le Figaro

Elle incarne une mère et une épouse dans le premier film de Julie Gavras.

LA PREMIÈRE image détone un peu quand on a l'habitude de voir Julie Depardieu dans des rôles pittoresques ou franchement fantaisistes. En tailleur vert et chignon strict, elle se penche sur sa petite fille Anna pendant une noce. C'est le début de La Faute à Fidel et de l'aventure intérieure d'une enfant de 9 ans, qui vit entre Paris et Bordeaux en 1970 et va soudain découvrir la vie par le biais de la politique avec un oncle mort dans l'Espagne de Franco, un voyage au Chili ou le rêve du Cuba de Castro. Qu'est-ce que le choix et l'engagement des adultes quand on a l'âge de jouer à la poupée ? C'est l'une des questions posées par le premier film de Julie Gavras, produit par Sylvie Pialat. Une aventure que Julie Depardieu a partagée avec cette petite fille qui ressemble à tant d'autres.

Je n'ai jamais très confiance en moiSouvent je fais lire les scénarios à d'autres avant de décider. Là, j'ai davantage pensé à la fillette que nous avons toutes été qu'à mon rôle. Je pense d'ailleurs rarement à mon personnage dans un film. Quand on aime l'ensemble, on pourrait jouer une plante verte ! » « Au départ, je ne voulais pas faire ce métier. J'ai commencé tard, à 24 ans, après des études de philo et d'art du spectacle. Quand on n'a pas d'ambition autant savoir des choses... Si bien que je joue par instinct, sans être consciente. Plus je le suis, moins je suis bonne. » La Faute à FidelJ'aimais l'idée que le film traverse le temps avec cette fillette qui apprend à renoncer aux choses auxquelles elle tient. J'ai aimé la mise en scène de Julie Gavras, sa façon de filmer dans l'ordre chronologique. Elle travaille beaucoup et elle sait ce qu'elle veut. Et je ne pense pas qu'elle ait été influencée par son père Costa-Gavras. Elle a été touchée par le livre de Domitilla Calamai, plus influencée par l'histoire - qui, peut-être, ressemble à la sienne - que par ses parents. Parfois, le film fini, je suis déçue. Là, pas du tout, j'aurai envie de le revoir. C'est aussi un sujet sur la transmission. La mère que j'interprète n'a pas le temps d'expliquer des choses à sa fille. C'était comme cela, il y a trente ans. Maintenant, on parle et on a plus d'égard envers ses enfants. »
Des films en cascade
D'égard aussi avec la jeune actrice Nina Kervel qui joue Anna. Julie Depardieu en parle avec une bienveillante attention en évitant cette mièvrerie facile et protectrice qui veut envelopper les enfants pour les juger sans les connaître. « Malgré les quinze ou dix-sept prises que l'on faisait, elle était toujours juste. Tendue mais vraie. Elle correspondait bien au rôle et l'a travaillé consciencieusement. J'aime tourner avec les enfants, ils vous interdisent de vous disperser, de blaguer parce qu'ils retiennent tout. Pour moi, ce sont de petites personnes en devenir. » Quant au devenir de Julie... sa passion depuis l'enfance l'orienterait plutôt vers l'opéra. « Je suis une musicienne ratée... Je ne laisse pas passer un concert. Mais, pour chanter, il me faudrait de la ténacité et dix ans devant moi ! » En attendant, elle continue de faire l'actrice. On la verra bientôt dans Un Secret, de Claude Miller, Les Témoins, de Téchiné, où elle joue justement une chanteuse d'opéra (en play-back), et Cow Boy, de Benoît Mariage, où elle est encore, après Podium, l'épouse de Benoît Poelvoorde. Un couple en crise au bord de la rupture. « Les rôles de copine qui aime et n'est pas aimée ou de fille seule, c'est ma spécialité ! » Autre emploi plus surprenant, celui qu'elle a aussi interprété pendant une semaine aux États-Unis : une Française avec un mauvais accent américain dans Rush Hour 3. Des films en cascade qui l'ont fait travailler jour et nuit pendant trois mois. Et depuis ? Elle a pris des vacances, lu des scénarios, écouté de la musique et regarder mourir les tomates de son jardin. De toute façon, elle est philosophe : « Je n'ai aucun plan de carrière ! Le jour où on en aura marre de moi, ce sera fini. Dans ce métier, on existe dans l'oeil de l'autre. Moi, je me vois mal.

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Arte : les jeunes actifs en ligne de mire

JEAN-MICHEL MAIRE. Publié le 30 novembre 2006,Le Figaro


Face « à une concurrence de plus en plus vive », la chaîne franco-allemande se doit d'« élargir son audience ».

« NOUS souhaitons faire d'Arte une chaîne engagée, pour la promotion de toutes les cultures et contre l'uniformisation qui gagne, souligne Christoph Hauser, directeur des programmes. Ce qui est nouveau, c'est cet engagement revendiqué haut et fort. » Parmi les nouveautés qui seront mises à l'antenne à partir de janvier, le batteur Manu Katché (l'un des ­jury de la « La Nouvelle Star » (M6), animera chaque samedi un rendez-vous mensuel baptisé « One Shot Not », au cours duquel deux musiciens d'univers différents improviseront un boeuf. Toujours le samedi, une fois par mois, une nouvelle émission, « Musica », partira à la découverte d'un opéra. Le premier documentaire sera sur Platée, de Rameau. Le magazine « Metropolis », diffusé le samedi à 20 heures et le dimanche à 12 h 45, consacré à l'actualité culturelle en Europe et présenté par Rebecca Manzoni, devrait quant à lui être « plus rythmé et plus engagé » que la version précédente.
De son côté, la soirée « Thema » du mardi sera une fois par mois « prospective » et s'interrogera sur le monde d'ici à 2030, en matière de sciences, de travail, d'environnement... Le nouveau magazine « Zoom Europa » (mercredi à 22 h 15) s'attachera, lui, aux questions politiques en Europe.
130 films par an
Une case « cinéma trash » verra le jour, le jeudi après minuit, avec des films « à la marge », comme La Fiancée de Dracula ou les films de Russ Meyer. Arte continuera cependant de diffuser des longs-métrages en première partie de soirée, les dimanche, lundi et jeudi, soit 130 par an, soit deux fois plus que les autres chaînes généralistes, selon Christoph Hauser.
Pour une création maison, ­Arte n'a pas actuellement « les moyens financiers de se développer autant que nous le voudrions », a regretté son président Jérôme Clément. Seule, une deuxième saison de la série Vénus et Apollon est en cours de bouclage. La chaîne diffusera début 2007 plusieurs téléfilms très attendus, dont L'Embrasement sur les émeutes de novembre 2005 dans les banlieues, Poison d'avril (de William Karel) sur les élections d'avril 2002 et Vive la bombe, sur les essais nucléaires dans le sud de l'Algérie en 1961.

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