12.01.2006
«La Faute» à 68
"La Faute à Fidel" : l'engagement dans les yeux d'un enfant
Car Anna n'est pas une petite fille comme les autres. Ses parents sont "engagés". Adapté d'un roman italien de Domitilla Calamai (Actes Sud), La Faute à Fidel est l'histoire d'une gamine qui prend ombrage des actes militants de son père et de sa mère, et se sent abandonnée. Le temps passé à combattre les injustices de la planète lui semble volé, elle a le sentiment que l'on s'occupe moins d'elle que des victimes des dictatures, son espace vital est envahi par des réfugiés barbus, on lui parle luttes et solidarité alors qu'elle ne croit qu'au Père Noël.
Cette chronique cadrée à hauteur de queue de cheval raconte en même temps l'histoire d'une transmission d'idéaux, d'un apprentissage politique. D'instinct complice de grands-parents maternels bourgeois, gaullistes, outrés qu'on l'ait retirée du catéchisme et faisant des communistes une caricature d'un ancien temps, Anna râle contre le déménagement dans un appartement plus petit, les changements de nounou, le débarquement en France d'une tante espagnole dont l'époux a été tué par la police de Franco, l'envahissement du logis par des réfugiés chiliens. Mais peu à peu, et c'est en cela que le film devient touchant, son père lui explique le sens de son engagement, elle se fait initier à l'"esprit de groupe" par ses colocataires en exil, elle s'intéresse aux témoignages recueillis par sa mère qui prépare un livre sur des femmes ayant avorté avant la loi Veil.
Elle devient complice de ce qu'elle subissait, abandonne son air renfrogné, apprend à assumer sa différence, à distinguer "esprit de groupe" et réflexe du mouton de Panurge. Parallèlement à cette évocation des combats des années 1970, Julie Gavras retrace un pan de vie autobiographique. Elle avait 11 ans lorsque son père, Costa-Gavras, réalisait Missing, sur le coup d'Etat de Pinochet qui coûta la vie à Salvador Allende. L'arrière-plan chilien ne figurait pas dans le roman. Elle en fait un acte fondateur. La détresse de son père, un sentiment de proximité avec ses "grands frères" chiliens qui avaient suivi chez elle le résultat des élections, l'amènent à la fois à une prise de conscience, une proximité avec une famille agrandie, et à une solitude. Elle va devoir apprendre à gérer son propre univers.
Film français de Julie Gavras avec Nina Kervel, Julie Depardieu, Stefano Accorsi. (1 h 39.)Link