De la Chine, parlons-en justement, puisque c'est de ce pays en plein essor qu'est arrivé Noix de bétel, l'un des films les plus remarquables de la compétition, plutôt relevée, de cette 28e édition (du 21 au 28 novembre). Tirant un parti maximal des potentialités de l'outil numérique, Yang Heng scrute avec une patience inflexible - longs plans fixes, dialogues laconiques - le quotidien maussade d'une petite bande d'adolescents pris dans les griffes de l'ennui. L'attention dénuée de complaisance que porte le cinéaste à ses personnages lui permet de concilier vérité humaine et radicalité formelle : rappelant un peu le Xiao Wu, artisan pickpocket de Jia Zhang-ke, Noix de bétel est un film mû par une belle exigence et traversé de scènes indélébiles, parmi lesquelles se détache une fameuse cuite dans un bar-karaoké.
RÉCIT INITIATIQUE
Source apparemment intarissable de découvertes et d'émotions, l'Iran avait deux émissaires de choix en compétition. Alimentant la tension du récit sans sacrifier à l'élégance du plan, Asghar Farhadi relate avec Fireworks Wednesday une journée (très) particulière : celle que passe Rouhi, jeune femme sur le point de se marier, prise entre les traditionnelles pétarades d'une fête religieuse et les éclats de voix du couple en crise chez qui elle est venue travailler. Payée pour faire le ménage, elle va découvrir ce que vivre en ménage peut vouloir dire... Au terme de ce récit initiatique, son coeur sera chamboulé - autant que celui du spectateur.
Premier long métrage de Saman Salour, Quelques kilos de dattes pour un enterrement rompt davantage avec les canons esthétiques iraniens en adoptant une savoureuse liberté de ton. Filmées en un noir et blanc superbe, les péripéties de quelques mâles en quête d'âme soeur, perdus dans un no man's land couvert de neige, sont franchement irrésistibles, suscitant ce mélange d'hilarité et de mélancolie caractéristique du slapstick.
Pour finir, faisons un détour, hors compétition, par le Chili : d'une frappante compacité, Rabia fait l'effet d'un électrochoc. Serrant au plus près une jeune femme confrontée aux humiliations ordinaires des entretiens d'embauche, Oscar Cardenas Navarra fait affleurer une rage qui monte sourdement avant d'exploser lors d'une séquence finale qui tombe comme un couperet.
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