2.15.2007

Soderbergh : "Mes maîtres, mes modèles"

Propos recueillis par EMMANUELLE FROIS.

Publié le 14 février 2007

Le réalisateur rend hommage aux films noirs des années 1940.

DANS The Good German, Steven Soderbergh brosse le portrait d'un correspondant de guerre américain (George Clooney) venu, dans un Berlin en ruine, couvrir la Conférence de Postdam, mais qui veut surtout retrouver son ancienne maîtresse allemande (Cate Blanchett) détentrice de bien des secrets. Atmosphère, atmosphère. Et entretien avec un cinéaste cinéphile qui s'est glissé dans les pas de son aîné, Michael Curtiz.

LE FIGARO. - Pourquoi teniez-vous à rendre hommage aux films noirs des années 1940 ?
Steven SODERBERGH. - Ce n'était pas l'idée initiale. Lorsque nous travaillions sur le scénario, j'ai visionné les archives tournées par les troupes américaines et russes, à Berlin en 1945. À l'origine, elles devaient servir de référence pour restituer l'atmosphère du Berlin de l'après-guerre. Mais elles m'ont tellement frappé que je me suis demandé de quelle façon je pourrais les intégrer. De là s'est imposé le noir et blanc, le style visuel et le jeu des acteurs des films noirs et enfin le tournage « à la manière de », en studio, à Hollywood. Cela s'est révélé deux fois moins cher que d'aller filmer sur place. Nous avons par exemple, pour les scènes de voitures où l'on voit la ville défiler à travers les vitres, utilisé des chutes des scènes tournées par Billy Wilder en 1948 pour La Scandaleuse de Berlin.
Vous avez tourné dans les conditions techniques de l'époque. Mais comment avez-vous retrouvé le vocabulaire cinématographique des années 1940 ?
En regardant des centaines de films. Et puis, par chance, Warner détenait le découpage des scénarios des trois films de Michael Curtiz : Le Roman de Mildred Pierce, Casablanca et Yankee Doodle Dandy. J'ai analysé ses mouvements de caméras, ses cadrages, les objectifs et les lentilles dont il se servait. J'ai suivi les règles de ce maître de la mise au point très serrée. Et étrangement cette démarche a été libératrice car, sur le plateau, il n'y avait pas des milliers de possibilités. Les plans, les angles s'imposaient.
À quand remonte votre amour pour les films noirs ?
J'avais 9 ou 10 ans. Mon père m'emmenait voir ces films-là. Le premier, je pense que c'était Le Troisième Homme de Carol Reed. C'était l'oeuvre préférée de mon père.
On sent qu'elle vous a aussi énormément marqué. The Good German en porte la forte influence.
Elle a été une source d'inspiration plus pour le fond que pour la forme, car le côté systématique « caméra penchée », utilisé par Reed, ne correspondait pas du tout au style de The Good German.


Vous avez tourné dans la foulée Ocean's Thirteen (sortie en juin), nouvelles aventures du craquant braqueur George Clooney et de sa bande. Quoi de neuf ?
Al Pacino dans le rôle du méchant qui trahit un des onze voleurs et les dix autres qui décident de le coincer. Pacino est absolument fantastique ! Nous avons organisé une projection-test et les spectateurs ont trouvé que c'était l'épisode le plus hilarant des trois.
Obligatoire le screen-test ?
Quand il s'agit d'une comédie, c'est capital. Parfois, la blague que vous pensiez être la meilleure du monde tombe à plat. J'ai ainsi éliminé deux répliques que personne ne trouvait drôle.
L'année dernière avec Bubble vous innoviez en sortant le film simultanément en salles, sur le câble et en DVD. Une stratégie de distribution inédite et controversée. Vous persistez ?
Oui, j'ai cinq autres films du même genre sur le feu. D'ici cinq à dix ans, tous les films seront distribués de cette manière, seule façon de lutter contre le piratage qui, à l'échelle de l'industrie du cinéma, représente 5 M$ de revenus. Je me rappelle que le jour même de la sortie en salles du Seigneur des anneaux on trouvait le DVD pirate sur Canal Street à New York. Il existe donc déjà une sortie simultanée ! Il est donc nécessaire de s'adapter. Mais je reste persuadé que les gens continueront à aller au cinéma.
Quand débutez-vous le tournage de votre diptyque sur Che Guevara avec Benicio del Toro dans le rôle-titre ?
Dès la mi-mai. Je tourne en espagnol et simultanément les deux films qui se déroulent sur deux périodes : entre 1956 et 1958 et de 1964 jusqu'à la mort du Che.
Quels sont les projets de votre maison de production Section Eight créée avec George Clooney ?
Nous fermons le mois prochain. Trop de travail. Et je n'ai pas l'étoffe d'un producteur !

The Good German Drame de Steven Soderbergh. Avec George Clooney, Cate Blanchett, Tobey Maguire. Durée : 1 h 46.

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